Putain, 7 ans

Putain, 7 ans

A la veille de présenter le dernier né au Roc d’Azur, j’ai pris le temps de me retourner sur le chemin parcouru depuis 7 ans.

Brice EPAILLY

D’aussi loin que je me souvienne, je suis un drogué du vélo : physiquement, mais surtout mécaniquement parlant. En juin 2012, une chute me bloque à la maison pendant 1 semaine, j’en profite pour donner vie à mon dernier dessin de cadre de vélo : l’arme ultime pour continuer à briller sur la TransV. Le cahier des charges est simple, une cinématique anti-pompage pour se passer de blocage. Vus les noms fumeux que les grandes marques donnent à leur cinématique on pourrait penser que tout a été fait dans ce domaine, et pourtant j’ai pu déposer mon brevet… et me caresser le torse juste après. Mais tout le monde s’en fout de la cinématique, et quand on voit l’évolution des amortisseurs, difficile de leur donner tort. J’ai malgré tout eu ma minute de gloire quand un ponte de la moto a compris rapidement que l’effet de chaîne de ma cinématique permettrait de garder constante l’assiette de la moto à l’accélération.

Le one4all est le point de départ de la marque Caminade et sa signature cintrée.

La compétition VTT m’a permis de flatter mon ego pendant 20 ans, pourtant maintenant, c’est la création de 5 emplois heureux et pérennes qui font ma fierté. Certes, il est compliqué de re-fabriquer en France, mais cet acte politique deviendra bientôt la norme à 3 conditions :

  • Faire le choix de la vente directe pour valoriser celui qui fabrique ;
  • Sortir de l’obsolescence programmée en arrêtant de millésimer ;
  • Innover, disrupter, oser faire autrement pour démoder le système.

Mais pourquoi changer quelque chose qui marche, le cerveau est un gros fainéant qui choisit toujours la facilité. C’est tellement simple d’envoyer un plan en Asie pour qu’il soit fabriqué pour une bouchée de pain par des ouvriers qualifiés mais sous-payés qui devraient en plus nous remercier de leur fournir du travail. OK, mais alors pourquoi ces vélos sont si chers ? La R&D ? si les ingénieurs faisaient vraiment leur boulot - être ingénieux - ils arriveraient à nous pondre des trucs facilement faisables en France. L’industrialisation a progressé depuis la dernière guerre mondiale et c’est pas comme si on devait renvoyer une fusée sur la lune : il s’agit juste de fabriquer des vélos légers, confortables et fiables. 

Fabriquer des cadres en France créé plus d’emplois que juste les assembler. 

Nous avons commencé par soudo-brasé des cadres aciers, puis le passage au TIG nous a permis de toucher au Saint Graal du cadre titane. Nous imprimons en 3D des pièces complexes impossible à faire usiner en petites séries. L’année dernière, nous avons lancé une 2ème ligne de production de cadres en titane manchonnés collés pour rendre abordable le titane sur-mesure et en 1 an nous avons fabriqué 100 vélos avec cette technique.

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Sur le ChillEasy, nous montons de série un pédalier fabriqué en France chez Spécialités TA ( comme nos porte-bidons d'ailleurs ). Nos selles sont fabriquées à Madrid et les chaînes viennent du Portugal. Nous montons des groupes 13 vitesses fabriqués en Espagne et des freins venant d'Angleterre. Tout ça pour dire que nous ne sommes pas les seuls à produire les choses que nous avons conçu, et vu que le vélo va progressivement remplacer la voiture dans les déplacements quotidiens, nous allons être de plus en plus nombreux.

Et les moteurs dans tout ça ?

Ce qui me chagrine avec le VAE, c’est qu’il prend la direction de la voiture... toujours plus puissant, toujours plus gros, toujours plus loin : une moto à pédales, plutôt que le nouveau Solex ! Il y a 25 ans, quand j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur moteur, j’ai refusé un poste sur la gestion électronique des moteurs diesel. A cette époque, on parlait du retour du moteur 2 temps à injection, du downsizing, de la récupération de l’énergie au freinage ou les trop grandes pertes énergétiques à l’échappement. Pourtant l’automobile a surfé pendant tout ce temps sur le miracle du diesel. J’ai bien peur que l’industrie délocalisée du cycle, qui s’est vue sauvée par l’apparition du VAE, se perde aussi en chemin par faute de vision fonctionnelle. Les marques de vélos ne sont plus que des supports d’accessoires où quelques grands noms cadenassent le marché.

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Je rêve d’un vrai vélo à assistance électrique autonome qui récupérera l’énergie du freinage pour la restituer à l’accélération, le tout sans participer à la prochaine guerre des métaux rares. J’ai rêvé pendant 20 ans de fabriquer mes propres vélos... je peux attendre encore un peu pour des vélos propres.

https://youtu.be/vqmUkjZhYOM

Parution : 22/09/2019