Black Friday, le symptôme du mal
En cette période de BlackFriday ( les soldes pour les nuls ), je me sens obligé d’expliquer pourquoi Caminade ne fait rien, même pas un petit geste commercial : ça veut dire quoi d’ailleurs "être commerçant" quand on est juste un artisan ? Un petit retour en arrière s’impose.
Brice EPAILLY
Jusqu’au 18° siècle l’artisan conçoit et fabrique un produit répondant à un besoin local.
Mais le siècle des lumières voit la demande en textile et métallurgie augmenter à cause de l’accroissement de la population, de l’armée et des besoins des colonies. Les marchands, ceux qui doivent répondre à la demande, vont faire appel à plusieurs artisans qui devront fabriquer rapidement ces marchandises. Pour s’assurer des prix les plus bas les marchands n’hésitent pas à mettre les artisans en concurrence, faisant naturellement baisser la qualité des produits.
L’absence d'uniformité entre les produits d’un artisan à l’autre et le fait qu’on ne puisse garantir que les produits soient prêts à temps vont inciter les marchands à regrouper plusieurs artisans dans un même bâtiment. Quantité, qualité, délais tout peut être respecté à condition de suivre une discipline militaire.
C’est le début du management pyramidal : les artisans perdent leur liberté et sont dévalorisés par ce mode de production qui ne reconnaît plus la valeur de leur travail.
Les clients n’étant pas que des états qui achètent en gros pour équiper leur armée, on voit apparaître des distributeurs qui achètent en quantité et revendent aux commerçants qui souvent vendent en solde : de facto, le coût des produits augmente et le fabricant ne se trouve plus en contact direct avec le client : mais comment connaît-il réellement les besoins du client ? On s’en fout, il y a le marketing.
Plutôt que de concevoir un produit par rapport à un besoin, on préfère convaincre le futur client qu’il a absolument besoin du produit.
Ce système a pourtant fait ses preuves jusqu’au 20° siècle jusqu’à ce que les ouvriers exploités commencent à se syndiquer pour faire respecter leur droits. La délocalisation dans des pays moins respectueux des droits de l’homme a permis de donner un dernier souffle aux fabricants ( qui sont redevenus juste des marchands ) au détriment du pouvoir d’achat de leurs clients qui étaient aussi leur salariés... d’où la schizophrénie actuelle.
Et ce n’est pas le coût de la main d’oeuvre qui plombe les prix, mais la cascade d’intermédiaires et le management pyramidal avec son empilement de contrôleurs, rapporteurs, manager qui empêchent l'agilité nécessaire à la fluctuation de la demande.
De plus en plus de personnes ne trouvent plus de sens à leur métier. On parle de travail alimentaire et on embauche des responsables du bonheur au travail.
Ce système a détruit l’envie, la motivation, le savoir-faire des artisans en les regroupant pour mieux les exploiter avant souvent de les jeter. L’intelligence, la nôtre et celle, artificielle, des machines, doit nous servir à rétablir un système artisanal moderne permettant juste de répondre au besoin du client avec un produit fabriqué au plus près de lui.
En temps que consommateur, je peux continuer à fermer les yeux en achetant à prix d’or des produits fait à bas coût en Asie et fortement marketés par des sportifs surpayés ou autres mannequins dénudé(e)s.
Je peux chasser un prix en achetant en direct et à prix coûtant sur AliExpress le même produit, NoName ou soit disant contrefait.
Je peux même finir d’étrangler, le commerçant au moment du BlackFriday, trop content qu’il sera de vider ses stocks à faible marge avant l’arrivée de la nouvelle gamme.
Mais je peux surtout acheter localement, en direct et au juste prix chez un artisan spécialisé amoureux de son travail parce qu’il y trouve du sens.
Les jeans 1083, les sneakers Génération Sens, le slip Français, les lunettes Sensee, les sacs 727Sailbags, les meubles Gautier, les lampes frontales Stoots, les couteaux Opinel, les montres Routines, les enceintes Devialet, les casseroles Mauviel, les bottes Gardiane, les brosses à cheveux Altesse ... et les vélos Caminade entre autres, montrent que c'est possible.
Mais on ne le dira jamais assez " Acheter c’est voter ! "
ou comme le disait Coluche " Quand on pense, qu'il suffirait que les gens ne les achètent plus pour que ça ne se vende pas ! ".
Parution : 22/11/2018