Soudé comme jamais
Quoi de mieux qu'une aventure hivernale pour imager ce qu'il se passe dans mon quotidien : le travail d'équipe. Dans la réalisation de notre nid ou à la Fabrica, notre œuvre est plus que jamais collective. Le collectif arrondi les angles saillants des caractères à force de concessions, mais offre une force de frappe décuplée lorsque la troupe œuvre dans la même direction. 3 jours d'itinérance en vélo de Perpignan à Gérone en passant par Olot m'auront permis d'y réfléchir.
Texte et photos : Geoffrey BUISAN
3 jours de pause pour ouvrir la réflexion
Après 4 mois de chantier, Laura m'a tiré du lit un vendredi matin pour prendre le temps de rouler. Elle avait programmé un week end Gravel à l'occasion de la St Sylvestre. 6h30 du matin c'était l'heure du réveil pour réaliser les 110km et 2000m de dénivelé qui nous séparaient d'Olot. Si je n'avais du m'en tenir qu'à moi, j'aurai repoussé l'aventure à plus loin. Mais c'est tout l'avantage d'être deux, lorsqu'il y en a un qui est dans le gaz, l'autre est là pour le tracter.
Dans le gaz ce matin j'y étais, et j'ai d'ailleurs mis toute la matinée à m'en remettre. Mais une fois la frontière passée et la première cerveza avalée, tout s'est mis à rouler. Après le déjeuner, nous avons eu le droit à la montée dans l'Alta Garrotxa, un parc naturel catalan dont les cassures granitiques rappellent le Vercors. Le col en question était celui del Riu, une montée de 11km pour gravir les quelques 750m de dénivelé.
Au bout de 6h de vélo, les 4 mois de chantier laissent apparaitre des sensations anormales aux jambes. Dès lors, le sentiment est double, d'un côté on reste concentré sur le reste du parcours pour arriver à Olot et ses première patatas bravas, de l'autre j'éprouve comme un plaisir de retrouver mes sensations sur le vélo. Posé sur ma selle Brooks, et mon cintre H-Bar, et malgré le manque d'heures de selle, je suis suffisamment bien pour réfléchir avec le sourire en coin sur le chemin accompli ses 4 derniers mois avec ma partenaire de vie, ma compagne, ma collègue.
Plus qu'un couple
Depuis que Laura est rentrée de Belgique, elle a fuit son métier de formation (sage femme) et ses hôpitaux pour trouver refuge à la Fabrica. D'abord en œuvrant avec nous lors du déménagement puis en apportant sa propre valeur ajoutée aux locaux avec les sandales Kimana. Depuis septembre elle travaille à temps partiel pour la Fabrica VELO en tant que créatrice de lien social. Notre collaboration est étroite puisque c'est elle qui créé le flux tiré de ma fabrication artisanale de bière.
Plus qu'une compagne, une collègue, le temps horaire partagé affole les compteurs. Vous me direz on aurait pu se trouver un projet personnel chacun de notre côté ... Oui, mais on en a décidé autrement, cette année notre projet personnel concerne la fabrication de notre nid familial. Une maison ossature bois de 100m2 pour y accueillir notre vie... Ceux qui ont déjà fait leur maison ou leur rénovation le savent, la quantité d'énergie à déployer est colossale pour obtenir le produit fini. Avec Laura, nous nous sommes lancés dans ce marathon depuis le 1er septembre.
Conscient de l'empreinte carbone d'un tel projet, nous y mettons toute la conscience possible afin de construire une maison passive, qui nécessite le moins d'esclaves énergétiques possible... Toilettes sèches, récupération d'eau de pluie pour la douche, traitement des eaux grises, exposition, isolation, production autonome d'électricité, proximité avec le lieu de travail, auto-construction tout a été posé sur table afin de fabriquer une maison adaptée au dérèglement climatique, social et économique.
En pédalant c'est donc sourire en coin que mes pensées vont vers le travail accompli par notre charpentier, notre zingueur, nos maçons et couvreur. Le tout propulsé par notre force de travail afin de mettre la MOB hors d'eau, hors d'air en l'espace de 4 mois. La suite du chantier est désormais entre nos mains pour isoler, électrifier, raccorder, et doubler l'ossature par l'intérieur et l'extérieur. Le bout du tunnel est encore loin, mais nous ne nous sommes pas cramés dans les premiers kilomètres. A l'image de la position sur mon Gravel, la course peut durer longtemps...
Entre nos mains nous avons aussi l'avenir de nos métiers. Nous sommes les responsables de l'équilibre économique de nos activités, par conséquent : la liberté que nous nous octroyons pour construire notre maison n'a de limites que la liste de tâches tenues à jour pour continuer à résister dans nos missions.
Fabriquer des vélos, produire de la bière...
Montrer une autre façon de consommer et de nous déplacer, voilà les motivations qui nous poussent dans nos retranchements. Pour ma part, mon rôle au sein de Caminade est de faire savoir notre savoir faire. Un match de tous les jours sur les réseaux, sur notre site afin de montrer qu'une autre façon d'acheter des vélos est possible. Que cette dernière est créatrice de valeur afin de créer des emplois heureux.
Je ne mâche pas mes mots en parlant de résistance, car nous nous battons avec nos moyens face à la main invisible du marché qui ne tient pas compte ni de l'impact environnemental et ni de l'impact sociétal de l'importation de produits. Si les résistants ont quelque chose pour eux, c'est bien leur intégrité. C'est pour cela que notre communication transpire ce que nous sommes. Et la vision authentique de nos produits ou de notre communication touche de plus en plus de personnes dans ce monde de paraître.
L'élargissement de notre œuvre à la restauration et à la fabrication de bières artisanales nous offre la possibilité de rayonner à l'échelle de notre ville ces valeurs tout en agrandissant le groupe de résistant(es).
Parution : 16/01/2023