La Fabrica et ses Fabrikœurs #3

Depuis 1 mois, j'ai l'immense fierté d'être diplômé… et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, officiellement salarié de Caminade. J’ai sans doute eu beaucoup de chance d’être pris ici, mais je l'ai provoquée pour oser vivre mon rêve !

Quentin CHORT - Chercheur en Cyclopédie

Au grand dam de mes parents, le vélo pour moi, c'était la liberté : "Quentin va pas trop loin avec ton vélo reviens ici !" ... trop tard, trop vite, petit tour de pédalier, accélération des gambettes, sourire malicieux et hop me voilà loin de portée de Maman. J'ai grandi mais le plaisir de pédaler est resté. Au collège, alors que je faisais du cross-country avec mes amis, je me suis demandé ce que je voulais faire plus tard. Je sentais qu'un métier technique me conviendrait mieux, restait à trouver le secteur... l'automobile ? l'aéronautique ? Très peu pour moi ! Après une énième sortie vélo, ce que j'avais sous les yeux depuis des années est devenu une évidence : concevoir des vélos. Je me suis donc naturellement tourné vers un bac S option sciences de l'ingénieur suivi d'une école d'ingénieur, l'ENI de Tarbes, au pied des Pyrénées... et il n'y a pas à dire, il y a bien plus de montagnes qu'en Dordogne ! Là-bas, j'ai acquis les connaissances nécessaires à la fabrication d'un vélo traditionnel, mais aussi des techniques en matériaux plastiques ou en fabrication additive. J’ai eu la chance de rencontrer des passionnés de vélo comme moi, qui m'ont fait découvrir l'enduro. J'ai pris goût à la montagne et à la liberté de profiter des sentiers pyrénéens entre deux cours de maths. Le vélo m’épanouit aussi au quotidien : je l'utilise pour me déplacer, pour me dépenser... pour m'évader.

La rencontre avec la Horde Caminade

Me voilà en novembre dernier, après presque 5 ans à Tarbes, je suis à la recherche d'un stage de fin d’études. Parcourant mon fil Instagram et voyant tous les beaux vélos estampillés Caminade, je me suis dit qu’il fallait tenter... j’envoie un mail à Brice ! Il veut tester mes compétences. Sur mon CV était pourtant bien marqué que je savais me servir de Solidworks. Mais le CV, c'est sans doute comme le diplôme, pas suffisant : je dois donc dessiner pendant les vacances de la Toussaint une potence respectant un cahier des charges précis. Après quelques dizaines d’heures de travail, je me demandais toujours si ça en valait le coup, l'entretien d'embauche étant tellement bizarre... mais, je n’avais jamais été aussi proche de mon objectif. Je m'accroche et lui envoie quelques jours plus tard un dossier technique, une vidéo de présentation et le coût final du moule nécessaire pour cette potence symétrique façon Renthal entièrement injectée en composite. Bingo ! Brice m’invite à l’atelier. En entrant à la Fabrica, impressionné par le bâtiment et la passion qui habite l’équipe, j'ai tout de suite compris que c'est ici que je voulais travailler. Les projets proposés sont fous et l'équipe est géniale ! Un vrai coup de foudre. Et c’est très heureux que je débarque à Ille-sur-Tet en janvier 2021, dans le but de développer le bureau d’étude, chasse gardée de Brice jusqu’alors.

L’AllRoad Pinion… le mémoire de fin d’étude

L’Allroad est le modèle phare de la marque. Grâce au collage structural, il a permis de rendre abordable le vélo gravel sur mesure fabriqué en France en titane. Mon projet de fin d'étude était de faire évoluer ce modèle, pour y intégrer une boîte de vitesses Pinion ou Effigear, afin que Caminade ne dépende plus de l'importation de transmissions classiques, toutes venues d’Asie, et donc fortement impactées par la crise actuelle. Sourcer au plus près, c'est donc faire d'une pierre 2 coups. Les avantages en termes de longévité, de fonctionnement et de plage d’utilisation qu'offre la boite de vitesses ne laissait aucun doute sur l'avenir de cette transmission. Caminade m'a permis de mener ce projet de A à Z : conception, prototype en impression 3D, ouverture du moule et lancement en production des manchons. J’ai même fabriqué moi même le premier cadre avec l'aide de David, avant de le valider moi-même sur le terrain ! 

Et chez Caminade, sur le terrain, on fait pas semblant : le Tour du Canigou en guise de  “ de jour le plus long ” de l’année . Nous voici partis à 6h du matin pour 150 km et 4000 mètres de dénivelé. Objectif : rentrer avant la nuit tout en profitant de cette magnifique journée ensoleillée. Sacré banc d’essai ! Pour moi aussi d’ailleurs. Après 3h de pédalage au départ d'ille, nous voilà déjà arrivés à Vernet les bains pour un gros sandwich et une bonne bière, dispositif obligatoire pour arriver encore en forme au plat Guillem à 2400m d’altitude. A 14h nous étions de l’autre côté de la montagne installés devant une bonne Pizza à Prats de Mollo. Le retour a était forcément plus dur, mais arrivés juste à temps pour le journal de 20h où on allait forcément relater nos exploits… c’est con j’ai pas la télé… juste le souvenir d’une sortie magnifique, sur un vélo conçu et fabriqué par mes soins.

H3Bike… un vélo pour l’Elysée

A la fin de mon stage, nous avons collaboré avec H3Bike qui avait besoin de conseils pour un projet franco-français de ré-industrilaisation. Cocorico, tous les équipements du vélo se veulent, à terme, être fabriqués en France par ce consortium de sous-traitants automobiles de la vallée de l’Arve en pénurie de commande.

Leur demande est simple : intégrer la motorisation qu’ils sont en train de développer sur un démonstrateur roulable le plus rapidement possible. Le seul truc... pas de mécano-soudé, mais du collage : après l'Allroad des champs, on va faire l’Allroad des villes ! Le concept est très ambitieux, puisque sur le même principe que Valéo, ils rajoutent une transmission secondaire à cardan (pas de chaîne, ni courroie et bien sur fini le dérailleur). Le vélo est équipé d’un prototype de fourche de chez Motion spécialement développé pour le projet.

La conception des raccords m’a pris 1 mois afin de matcher au standard de solidité d’un vélo en col de cygne. Le prototypage fait en fabrication additive et l'aluminium ont permis de réduire les coûts. Mais ce qui ne devait être qu’un démonstrateur s’est finalement retrouvé en porte drapeau du vélo Français lors du de la grande exposition du fabriqué en France dans les salons de l’Elysée.

Valéo… des watts et du titane

En juillet, j’ai dessiné 3 modèles différents pour Valeo afin qu’ils puissent tester et montrer la version définitive de leur technologie de motorisation pour VAE. Je suis fier d’être l’un des premiers à intégrer ce système qui apporte une “assistance” de 750 Watts et de 130 Nm de couple. Système qui intègre surtout une boîte de vitesses automatique de 7 rapports entièrement gérée électroniquement. Cela permettra aux plus chargés d’effectuer leur déplacement quotidien sans effort, et même plus. Après un rapide calcul on atteint, sans pilote, le même rapport poids/puissance qu’une clio.

Le délai était très serré, mais l’on souhaitait quand même soigner le design. C’est pourquoi j’ai dessiné pour chacun des modèles des raccords qu’un sous-traitant réalise en fabrication additive métal. Le coût est élevé mais seule cette technique permettait d'être dans les temps impartis. C’est extrêmement gratifiant de pouvoir utiliser cette technologie qui certes, impose une grande responsabilité car chaque pièce est très (très) chère, mais d’un autre côté, me permet de disposer d’une grande liberté lors de la création.

Le premier est une modification de cadre Sunn. Un coup de meuleuse, une pièce imprimée 3D en aluminium et quelques belles soudures d’Erwan plus tard, Sunn expose la motorisation Valeo sur un de leur vélo aux Prodays.

Le second est un VTC en titane. Il rappelle une première version livrée l’année dernière, mais cette fois-ci avec une intégration complète de la batterie et du moteur. Il a fallu pas moins 7 tubes, 4 pièces en fabrication additive titane et surtout 50 heures de conception et presque autant de fabrication pour mener à bien ce projet.

Le dernier est un VTTAE en titane tout suspendu : une première mondiale. Ce n’est pas seulement une adaptation du ChillEasy. Le cadre est composé de 5 pièces imprimées 3D en titane, d’un tube diagonal surdimensionné et d’un tout nouveau mono-pivot imposée par le volume de l'ensemble moteur/boîte. Il possède tout de même quelques caractéristiques communes à notre enduro musculaire : l’amortisseur excentré, le 100% titane et ses roues “Mullet bike”, c’est à dire 27.5” à l’arrière et 29” à l’avant. 

Autant vous dire que le premier mois a été encore plus passionnant et dense que mon stage ! Et le bureau d'étude est en train de devenir la 3eme ligne de production de vélos...et faire du sur mesure pour un particulier, ou prototyper pour un grand compte, c'est finalement toujours s'appuyer sur le savoir-faire Caminade.