Pivoter les doigts dans l'nez

Octobre 2017, je débarque chez Caminade avec mes zéros années d'expérience pour mener à bien un projet dont la visée est de réindustrialiser le vieux continent. En 6 mois j'ai assisté et participé à la conception, au prototypage, au développement, aux pré séries, à la communication, au lancement presse, à la commercialisation et surtout à la concrétisation avec l'embauche de David à la clef pour fabriquer, assembler puis livrer les 250 AllRoad fabriqués depuis le 1er juin 2018....

Geogeo Buisan

C'est pas pour faire pleurer ma grand mère que je raconte ça mais plutôt pour mettre en avant la polyvalence de notre effectif !

1 métier toutes les heures c'est bien ! 

C'est simple pour boucler les fins de mois faut qu'on balaye les 50 tâches réparties en 3 grandes familles : Créer la demande, Produire des vélos et Assurer le soutien. Et comme sur une chaîne à 50 maillons, si l'un d'eux se rompt, c'est toute la chaîne qui se retrouve par terre.

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Lorsque je suis revenu pour mon embauche cette fois-ci je me suis retrouvé chargé de la communication, une tâche que Sylvain et Brice réalisaient au cordeau volontairement au profit des 45 autres tâches à réaliser. Ni une ni deux, j'ai pris la CB Caminade et craqué le budget com' des 5 dernières années en achetant un petit boitier pour m'auto-former à la photographie. Mon premier set de photos sorti du logiciel de retouche était cramé, flou et sur-saturé... Même notre Lolo Brossard Ariégeois avait dit : "c'est pas possible de faire des photos aussi pourries avec un tel appareil". Quelques Open The Road d'entrainement plus tard et quelques lectures de notice suivantes, je commençais à sortir des clichés que je qualifierais de potable. Mes fans diront : "Non elles sont cool... Vraiment !" - Stop l'ironie mes chers amis, vous serez toujours mes potes même si vous dites que je fais de la merde et ça Brice le sait !

Le fait est que finalement en capturant sur le mode auto et en me concentrant sur la composition de la photo, il semblerait que mes photos soient OK. Au point d'avoir énervé un pote photographe sur insta lorsque j'écrivais en légende d'une photo d'atelier que j'avais publié : "Je ne pensais pas me lancer dans la photo après mon diplôme d'ingé ! Mais chez @caminadebikes on est multi-tâches, alors je progresse derrière la lentille". Ce dernier m'avait bravement répondu : "Après, faire une photo c'est simple, être photographe c'est un métier !" Oups, désolé d'avoir réveillé l'égo de photographe en toi mon pote. 

Pour accompagner mes photos j'ai aussi appris à véhiculer un message au travers d'un texte. Écrire a été d'abord une angoisse, l'exercice de recherche d'inspiration n'a pas toujours été évident, puis c'est devenu un réflexe voire même un vrai besoin. Dans ma méthode de communication l'humain est au centre du débat. Un beau texte s'écrit quand les émotions, les connaissances, les mots et le temps (eh oui il faut du temps) s'alignent. Le message est clair, net et précis.

La communication a duré 1 an et 4 mois, le pari était gagnant. La hausse de fréquentation du site internet de 2018 à 2019 a été de 42%. Jusqu'en Juin 2020, nous avons été infernaux. Le journal des Confinis a été l'apogée de ce qu'on pouvait imaginer en communication centrée sur l'Humain à contrario du produit. A tel point que les ventes ont elles aussi décollé... Juin : 22 vélos vendus, Juillet 17, Août 18... Vous l'avez compris, l'heure n'était plus à créer la demande mais bien à produire des vélos et assurer le soutien.

En Juillet, Sylvain  s'est définitivement installé sur Paris. Avec un maillon de moins la chaîne est de fait plus tendue ! Heureusement Alois avait pointé le bout de son nez à la fin du mois de mai pour s'installer un poste de travail de fortune destiné à la réparation... Du moins au début, car comme il est plutôt dégourdi de ses mains ce dernier n'a pas tardé à aider David et Erwan à produire des vélos. 

Quand la demande est là, s'efforcer de la créer n'est pas primordial à la survie de l'entreprise, alors qu'assurer son soutien OUI ! C'est naturellement que toutes les tâches ont glissé vers moi. Bon de transport Geodis, Collisimo, Boutique en ligne, Rendez-vous et livraisons à l'atelier, archivage des factures numérisées et papier, pointage des écritures, facturation clients, comptatibilité, payes, congés, indemnités kilométriques, Cerfa, tri du courrier, gestion du stock, arrivage périphériques, achat pièces et composants.... Une multitude de tâches à apprivoiser en peu de temps tout en évitant les grosses conneries. Allez expliquer à l'inspecteur des impôts qu'il y a 3 mois à peine vous écriviez le journal des Confinis avec Britxo... Même si je le dis avec mon air sûr de moi ça sera pas si crédible !

BREF, dans tous ces corps de métiers, le plus compliqué est à mon sens celui : d'acheteur ! Punai.... il a fallu que j'expérimente ce corps de métier lorsque Sram et Shimano livrent à 505 jours... Youpiiii

Pénurie chez les fabricants de composants !

Il fut un monde dans lequel l'accélération constante des échanges marchands à l'échelle mondiale était plus qu'envisageable. C'était même la visée ultime. Ce monde là a permi à des vendeurs d'approvisionner des articles fabriqués à bas coût en Asie notamment. En arrivant sur le marché, ces articles sont entrés en concurrence avec nos artisans. Malheureusement tous les artisans ou industriels concentrés sur la tâche de "Produire", n'ont pas pu concurrencer nos dénommés vendeurs. Et étant déchargés des métiers liés à la production, nos vendeurs ont dédié tout leur temps de travail à "Innover", dans les techniques de commercialisation ou de communication. C'est ce mécanisme qui a fait faillir nos artisans puis nos industries françaises. 

Mon cas d'étude porte sur l'industrie du cycle où, dans les années 1960, les artisans et industriels français savaient faire des cadres de vélo, des roues, des cintres, des potences et surtout des transmissions ! Pour ce qui est des cadres de vélos nous en sommes l'exemple, nous réussissons à faire vivre et rayonner ce savoir-faire au quotidien. Pour les roues, nous sommes les premiers supporters de la firme Mavic un des derniers fabricants de roues françaises dont l'usine se situe à St Trivier. Finalement pour le guidon et la fourche, les possibilités de recyclage des usineurs spécialisés dans l'automobile ou l'aéronautique sont infinis ! En revanche, là où l'industrie du cycle se retrouve dans une impasse (les impasses ça n'existe que chez les obtus d'esprit), c'est pour les transmissions. 

Béh oui a force de laisser Shimano et Sram gagner des parts de marché, nous nous sommes retrouvés en 2021 avec des temps d'attente entre la commande et la livraison de 505 jours. Payable à la commande évidemment... On dirait que le serpent s'est mordu la queue :)  

Deux options s'offrent à nous :

  • Soit on se saigne et on passe une commande par an de 125k€ chez les taïwanais pour continuer à fabriquer des vélos français. C'est un coup à devoir demander un emprunt au banquier pour pouvoir s'approvisionner et devoir le rembourser tout au long de l'année (Ne riez pas, c'est ce que certaines marques françaises sont obligées de faire pour approvisionner en une fois les cadres fabriqués en Asie).
  • Soit on réfléchit à un autre plan de bataille en appliquant l'article 25 de la relocalisation. 

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Pensez global Fabriquer local

Pour Caminade cette panne d'approvisionnement s'avère être un accélérateur vers le vélo fabriqué en Local. Cela va nous pousser à : 

Certes le métier d'acheteur m'empêche de dormir, mais l'avantage du multi-tâches c'est sa vision d'ensemble !

 

 

Parution : 20/01/2021