Le mono plateau sur le route
Je roule en VTT mono plateau depuis 2009 et ma première Transvésubienne. Cela m'avait valu à l'époque pas mal de moqueries sur les forums, là où l'on trouve le plus de ceux qui savent mais ne font rien : "tu pourras pas monter, tu pourras pas pédaler en descente"... pourtant je termine 11eme ( en 7h de pédalage sur mon mono-plateau ) d'une course gagnée par Nino Shurter et où Julien Absalon finit 8°.
C'est l'évolution des cassettes en nombre de pignons mais surtout en étagements qui m'avait permis ce choix audacieux bien avant son arrivée officielle sur le marché.
Les plus grosse cassettes à l'époque étaient en 9 vitesses 11-34. La course se gagnant en 11-12 km/h maxi, j'avais donc monté un plateau de 26 dents... je vous rappelle que les roues étaient en 26". J'avais poursuivi l'expérience sur les coupes de France de XC en optant pour un plateau ovale de 33 dents car sur 2h les moyennes approchaient les 20km/h. Bref, le problème ne vient pas du nombre de plateaux ou de vitesses, mais bien du choix réel des développements utiles.
On se rappelle tous des cassettes que nos anciens composaient eux même pignons par pignons... c'était encore le cas pour le premier vélo de route sur mesure en acier de Sylvain dans les années 80.
Les cassettes ont encore évolué.
Le mono plateau est donc apparu officiellement en VTT avec les cassettes 10 à étagement 11-36 et a fini par se démocratiser sur tous les VTT avec le 11 vitesses 10-42 et l'Eagle 12 vitesses 10-50 de chez SRAM. Alors que ce dernier est devenu un standard en VTT, on s'est vite aperçu que c'était l'arme ultime en Gravel à condition toujours de bien choisir son plateau avant ( 38 par exemple sur les groupes gravel SRAM en 10-42 ).
Je vous passe le concept du plateau à dents dépareillées, qui alloue une dent fine au maillon mâle et une dent large au maillon femelle évitant ainsi les sauts de chaîne : simple, efficace.
En route, j'utilise sur mon UltraRoad un plateau de 48 dents couplé à cette fameuse cassette 11 vitesses 10-42. En plage d'utilisation, c'est l'équivalent d'un compact 50-34 avec cassette 11-30 qui permet de monter aux arbres et de pédaler dans les descentes vent dans le dos. La seule chose que ne permet pas cette configuration c'est de pouvoir suivre le rythme d'un peloton lancé à 55km/h et qui d'un coup passe à 57km/h... je manquerais de précision dans le changement de pignon qui devrait pouvoir me laisser la possibilité de travailler dent par dent : ça tombe bien, ça fait longtemps que j'ai abandonné les pelotons de survitaminés. Mais qu'en est-il dans un peloton de cyclo-sportif ?
L'Héraultaise
Pendant que David et Sylvain faisaient vélo balaie sur l'Héraultaise version Gravel, je suis donc allé prendre la température d'un gros peloton de jambes rasées. N'ayant pas eu le temps de raser les miennes, c'est baggy aux genoux et socquettes hautes ( c'est comme ça qu'on appelle les chaussettes dans un peloton ) que je me suis présenté au départ de ce 88km montagneux.
Le but étant de faire une étude sociologique des transmissions, je suis parti avec un peu de retard sur le paquet. Cela m'a permis de remonter pas moins de 300 personnes. Avant de leur dire bonjour, j'analysais leur transmission :
- taille des 2 plateaux,
- étagement de la cassette arrière,
- position de la chaîne sur la cassette... la marge de survie !
Après le long faux plat montant de 17km le long de l'Hérault, la pente s'accentuait sur un goudron impeccable durant 5.4km à 4%. A ma grande surprise, les personnes doublées à ce moment là n'avaient que 2 ou 3 pignons de marge sur la cassette alors qu'ils roulaient déjà sur le petit plateau, souvent un compact d'ailleurs. La descente passée les coureurs se regroupent naturellement par petits pelotons pour faciliter les liaisons plates. Un seul sujet de discussion à ce moment là, la côte permettant de sortir du cirque de Navacelle faisait très peur. Ce n'est pas qu'elle soit longue ou raide, mais je pense plutôt que le fait que le goudron y soit pourri ralentissait pas mal les vélos carbones ultra-raides. Les 6.2km à 6% auront eu raison des plages d'utilisation : à quelques rares exceptions tout le monde avait mis tout à gauche et dans la dernière épingle, j'ai même vu un gars à pied.
Dans la 3ème côte, le col du vent, j'ai essayé de voir ce que ça donnait de monter au rythme des gars avec mon mono plateau de 48... 15km/h de moyenne pour 4.9km à 6% sur un goudron nickel où les graveleux passaient aussi. Sur ma cassette étagée comme suit 10-12-14-16-18-21-24-28-32-36-42 je roulais sur le 32 avec 2 pignons de secours : ces mêmes pignons qui auraient évité de faire stresser les gars ( et les filles ) dans la côte précédente.
Restait à voir ce que donnait le mono plateau dans le peloton de cyclo sur le plat. Je savais que les 10-12 et 14 dents permettaient de suivre le rythme mais il fallait valider l'étagement au sein d'un groupe qui bouclait le périple en un peu plus de 3h soit dans les 120 premiers et à plus de 30km/h de moyenne. Chose faite, je me suis laissé re-doubler sur les 10 derniers kilomètres pour ne pas mettre plus la pagaille dans les paquets de fin énervés de cette "course".
Ma conclusion est sans appel, plutôt que de compter le nombre de vitesses comme mon fils de 9 ans en multipliant basiquement le nombre de plateaux par le nombre de pignons, il serait préférable de tenir compte de ses moyennes réelles et de les mettre en perspective avec sa plage d'utilisation. Je ne saurais trop vous conseiller de jeter un œil au site web http://www.gear-calculator.com/ afin de vous faire votre propre idée. Ci-dessous vous trouverez la comparaison de mon montage à un double classique sur une cadence de 80 tours/minute.
Je ne reviendrai pas en arrière ( cette config. restera sur mon vélo pour l'Altriman des Angles et ses 2500m de D+ en 99km ) d'autant plus que les marques continuent à aller de l'avant dans le nombre de pignons favorisant ainsi l'étagement.
L'eTAP AXS de SRAM
Une transmission 12 vitesses sans fil qui rend les manettes routes compatibles avec les dérailleurs VTT, seul capable d'utiliser les cassettes 10-50 et leur monstrueuse plage d'utilisation de 500%.
Le 1x13 ROTOR
Les sceptiques de l'étagement pourront toujours se tourner vers cette transmission 13 vitesse à commandes hydrauliques : certes la plage est moins grande que la solution SRAM quoi qu'équivalente avec un plateau de 48 à un 52/36 - 11/28. Mais son étagement est ce qui se fait de plus régulier actuellement. Je vous ai mis aussi le graphique de comparaison de l'étagement réel du double qui ne correspond finalement qu'à 14 vitesses utiles.
Après les disques, il est clair que c'est au tour du mono-plateau d'inonder les pelotons... pour cela il faudra juste attendre la réponse de Shimano, qui freine toujours des 2 pieds quand il s'agit de disrupter. Je préfère ne pas parler de Campagnolo, vu le temps qu'ils ont mis à "disquer" les patins, on est pas prêt de les voir monopoliser la transmission.
Texte - Brice EPAILLY
Photos - Geoffrey BUISAN
Parution : 06/04/2019