Le Cargo anti chute

Quand StableBike nous a demandé de concevoir et de prototyper un vélo à 3 roues dont 2 à l’arrière qui penchent, je t’ai senti un peu fébrile... certes nous avions déjà participé à l'amélioration de leur premier prototype, mais que s'est-il passé dans ta tête devant ma décision d’accepter le défi ?

Brice EPAILLY

Facile ! C'est comme notre Chilleasy mais avec deux triangles arrière côte à côte. Les amortisseurs nous ramèneront à une position droite. Il ne faut simplement pas trop gonfler pour qu'on puisse pencher suffisamment. Ça ne fait pas très longtemps que je suis sorti de l'école, ça ne me faisait pas peur de calculer ça. Sauf que les contraintes se sont vite accumulées....

Quentin CHORT

Brice : Oui, j'avais choisi de travailler avec un ressort à lame de Motion pour réduire la complexité d'un amortisseur. La course faible, l'entraxe et surtout une courbe très progressive nous été  imposés.

Quentin : Et puis il fallait pencher comme un vrai vélo, et donc définir un angle de roulis max. La grande courbe de la descente de Montalba que l'on passe sans freiner a été mon repère.

Brice : Effectivement, il fallait à la fois qu’un pilote confirmé puisse pencher dans une grande courbe à haute vitesse, mais qu’un novice sans équilibre puisse rouler et tourner très lentement sans guidonner ou poser le pied à terre. Autant dire que sans simulation informatique, impossible à faire. Et qui dit 2 roues arrières, pense obligatoirement 2 dérailleurs, 2 cassettes, … 

Quentin : Sauf si on utilise un moteur Valeo intégrant une boîte de vitesses automatique qui nous permet de monter la transmission secondaire "single speed"... j’ai bien dit “singlespeed” et pas “single chain”. En effet, pour transmettre le couple indépendamment à chaque roue arrière on doit passer par un arbre intermédiaire distribuant 2 autres chaînes. Arbre qui sert aussi de point de pivot aux 2 bras de roue : 2 suspensions indépendantes. 

Brice : Et bien sûr 3 roues libres qui font office de différentiel. Quand tu tournes à droite, la roue droite tourne moins vite que la roue gauche, donc la roue libre à gauche donne un peu de mou. Partir de zéro, c’est pas un peu flippant ?

Quentin : Au contraire, c'était fun… car pour la première fois, je faisais un vélo qui sortait de son plan. Je me sentais comme un ingénieur de suspension en rallye à cause de ces 2 bras oscillant qui portent les moyeux de la roue à la façon des fourches mono-bras Cannondale Lefty ou Motion plus récemment. 

Brice : Ce même moyeu que Mavic a ressorti du placard pour Ultima...

Quentin : Oui, et qui porte aussi le disque de frein ainsi qu’un pignon 6 trous découpé au jet d’eau, le tout au milieu d’une jante 20 pouces pour rendre l’arrière compact, minimisant la voie tout en nous laissant un volume confortable de chargement entre les roues.

Brice : Le triangle avant n’est pas tout à fait comme un cadre classique ? Tout est mécano-soudé ? 

Quentin : Pour ne pas faire de la semaine d'Erwan un enfer avec une tour Eiffel de tubes, on a simplifié les bras oscillants avec des tôles. Pas moins de trente tôles découpées par notre partenaire de Revel, et qui ont été mécano-soudées par Erwan. Nous avons collé 2 inserts aluminium sur le triangle avant pour accueillir 2 roulements industriels sans reprise d’usinage après soudure. 

Brice : On a été un peu gourmand sur la capacité de charge… Le truc peut porter 2 adultes costauds, même la fourche d’enduro est surdimensionnée pour un usage urbain ! Parles moi du calendrier.

Quentin : Pour un projet de prototypage comme celui-ci, un livrable 3D permet de valider le début de la fabrication. Tout le monde est partant, c’est signé ! Une fois l’acier reçu, il a fallu 10 jours de fabrication pour qu’Erwan mette la machine sur ces trois pneus. Et là… on a compris pleins de choses sur le “tilting”. Il était pour nous intuitif que deux roues indépendantes filtrent mieux les reliefs comme les trottoirs ou les dévers par exemple, mais c’est l’inverse qui s’est produit. 

Brice : Le compromis entre stabilité à l'arrêt et souplesse pour pencher n’est pas simple à trouver, et nous avons finalement lié les 2 bras ( quand l’un descend, l’autre monte ), tout en gardant nos lames pour servir de butée progressive de fin d’inclinaison et assurer aussi le retour au neutre. Mais on peut toujours faire mieux ! 

Quentin : On est quand même pas mal là. A l’arrêt, il suffit de mettre le doigt sur le frein arrière pour ne pas poser les pieds au sol. En virage lent, on dirait que quelqu’un nous tient. Mais nous avons des pistes d’amélioration pour simplifier le système et le rendre plus léger.

Brice : Oui, d’un point de vue cinématique on peut simplifier mais pour cela, il faudra passer sur une transmission électrique… chainless digital driving.