Ma toute première fois... en Gravel
Texte - Manu PAULIN
Photos -Sylvain RENOUF
Si je ne devais qu’utiliser des proverbes et autres enfonces-portes ouvertes pour résumer mon dimanche à la Gravel Sainte-Victoire organisée par Bike-café, ça pourrait se limiter à « ne jamais dire jamais », « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis » et « putain, c’est dur le vélo » (cette dernière étant valable tous les dimanches, en fait)
Mais présentons d’abord la bête.
Je pratique le VTT de manière régulière depuis une dizaine d’années avec un niveau qu’on pourrait qualifier de « lambda + ». Pour être plus précis, je fais une sortie par semaine de 30 à 40km avec le dénivelé du Sud de la France, je passe partout grâce à une technique plutôt au point et surtout, j’aime quand ça descend vite (d’où le « + »). Je suis très loin du drogué sportif, pouvant me passer de sortie pendant quelques week-ends, et mon leitmotiv principal quand je roule est de ne jamais être à fond (sinon, ça fait mal aux cuisses) et de prendre un maximum de plaisir.
Physiquement, je me place délicatement sur le grand arbre de l’évolution des espèces entre la crevette et le haricot vert, avec 65 Kilos pour 1m80 (merci la génétique), et ma particularité secrète, mon vice caché, c’est que j’adore le beau matos : ingénieur mécanicien de formation, je passe des heures à tester des vélos dès que j’en ai l’occasion, tant et si bien que je me suis retrouvé un beau jour à créer ma propre entreprise pour importer et distribuer des marques inconnues qui valent le détour, comme les produits Squirt découverts par hasard pendant une rando de test VTT au Roc d’Azur.
Le résultat de tout ce bordel est que tout d’abord, j’ai l’immense chance de pouvoir vivre d’une de mes passions, mais surtout que mon VTT est un magnifique Caminade One4All équipé aux petits oignons. Je n’ai qu’un seul vélo pour une seule pratique : le VTT de trail, commercialement dit « all mountain » (du VTT, quoi..).
Je n’ai pas l’esprit de compétition pour faire du cyclo-cross ou du XC et je tiens encore trop à la vie pour faire du vélo de route dans mes Bouches-du-Rhône. J’aime rouler dans la nature et hors des sentiers battus, et les sensations d’une bonne sortie VTT dans mes singletracks préférés sont sans commune mesure avec celles des klaxons, des fumées des diesels et des dépassements à 20 centimètres de mon coude gauche que me propose la route.
Bref, je suis un pur vététiste.
Mais pour dire la vérité, la route m’emmerde et ne me correspond pas : trop d’efforts et pas assez de sensations. Je regarde l’éclosion du Gravel depuis ses débuts avec beaucoup d’intérêt professionnel, mais aussi avec un certain détachement, n’y voyant pas pour l’instant d’intérêt personnel de pratiquant. C’est ma curiosité naturellement en éveil, la proximité de l’événement et surtout la possibilité de tester une belle machine pour l’occasion qui m’ont décidé à participer à la Gravel Sainte-Victoire le week-end dernier.
En effet, ayant vu que Sylvain de chez Caminade comptait y aller, je lui ai proposé l’hébergement pour lui éviter une nuit dans sa voiture comme un peuchère, et il a proposé en retour de me prêter le AllRoad titane de Brice, histoire de m’éviter les 60 bornes dont la moitié de route avec mon petit Enduro et ma fourche de 160 : marché rapidement conclu.
C’est donc très méticuleusement que nous avons préparé l’événement : entre le réglage fin du matériel (« nan mais t’inquiètes, il est à ta taille ! On mettra tes pédales dessus demain matin sur le parking, pas la peine de le sortir ce soir ») et une diététique digne de sportifs de haut niveau (« alors ça tu vois, c’est un vin naturel fait par des punks, tu vas adorer »).
On a respecté à la lettre le cahier des charges Gravel :
Ne pas se prendre la tête et de simplement partir rouler.
Le lendemain matin, nous nous sommes donc retrouvés au point de départ à Aix-en-Provence, nous avons monté mes pédales Time Spéciale d’enduro sur le joli AllRoad Titane (pédales gris mat : look de malade sur le titane ;-)) et après un rapide brieffing et quelques échantillons de Squirt distribués au groupe, roule ma poule : c’est parti pour 60 ou 80 bornes selon l’humeur autour de ma montagne préférée sous un soleil de printemps et un ciel bleu du plus bel effet.
J’avais délibérément choisi de partir super light pour tester un concept vraiment différent : exit mon short large et mon sac à dos PRISM avec protection dorsale intégrée et une poche à eau de 2 litres, bonjour ma tenue de route KALAS moulante avec quelques options pour s’adapter à la météo de la journée : jambières et veste à manches amovibles pour le froid du matin, le tout pouvant se loger dans les poches arrière de mon maillot l’après-midi.
Un seul bidon de 500ml (alors que le cadre pouvait en recevoir deux : première erreur) et juste 2 barres de céréales dans la poche (alors qu’un pique-nique était prévu à midi : deuxième erreur ;-))
Le sentiment de liberté est immédiat.
Dès les premiers tours de roues, je constate que le réglage de la hauteur de selle fait par Sylvain ne sera pas à retoucher. J’ai la sensation qu’un recul de 2-3 centimètres serait optimal, mais la flemme ce jour-là l’aura emporté sur le perfectionnisme. Le vélo répond bien, la position est naturelle et tout tombe sous la main comme il faut. Je me fais rapidement au système de vitesses SRAM APEX mono plateau, et je pars tranquillement en queue de peloton. Nous sommes une soixantaine au départ, et nous attaquons par la petite route Cézanne vers le Tholonet. Et pendant les 4 premiers kilomètres, je ne suis pas fier.
Pas fier de faire partie d’un groupe aussi grand qui, par nature, va prendre toute la route à 20 à l’heure sans possibilité pour les voitures de nous doubler, pas fier de voir que le groupe fait un bloc de la taille de 2 semi-remorques, discute et roule à 2 ou 3 de front tranquillement, sans se presser ni se soucier des voitures.
Pas fier de ne pas trouver d’autres solutions et d’être obligé d’admettre que rouler tous à la queue-leu-leu serait encore plus dangereux sur ce genre de petite route. Je roule derrière en attendant le premier sentier, qui heureusement arrive vite. Heureusement également, la circulation est très faible en ce dimanche matin et les quelques voitures prises au piège le prennent plutôt bien à en croire leur absence de comportement dangereux. Je n’aime décidément pas la route, et c’est pas aujourd’hui que je vais commencer !
Nous attaquons les choses sérieuses dès le premier sentier, avec une belle montée à 12% vers le barrage Zola.
Enfin du gravier, enfin du gravel !
Je me sens directement super bien dans cet élément. Le vélo est léger, compact, réactif, le rendement est là et surtout, le grip et le confort sont au rendez-vous. Les « gros » pneus gonflés à 2 bars et le cadre amortissent bien le terrain, on peut se faufiler tranquillement en zigzagant entre les gros obstacles du DFCI un peu raviné et affiner sa trajectoire. Je monte tranquillement et sans forcer, sans me dire qu’il manque 8 dents à ma cassette ou regretter la bière de la veille, bref : je suis serein !
L’ambiance est super bon enfant, le public est très varié et oscille entre les cadors des longues distances et le retraité en électrique manquant un peu de technique. Tout le monde est détendu, discute, je retrouve des connaissances et on admire le paysage en comprenant à chaque virage pourquoi Paul Cézanne a fait de cette montagne son obsession : c’est beau.
Après un petit portage lors duquel j’apprécie la légèreté de l’engin, on continue la grimpette sur un terrain varié, et notre guide nous oriente en nous proposant plusieurs options : DFCI roulant ou single technique, le choix est vite fait ! On se retrouve en petit groupe sur un petit single bien de chez moi avec quelques marches et autres racines, de quoi tester les limites du concept.
Alors forcément, on ne saute pas les marches comme un bourrin de peur de tout exploser et on regrette un instant l’absence de tige de selle télescopique, mais une fois lancée, la bestiole passe partout et on se fait bien plaisir à franchir les obstacles avec une étonnante facilité et à se faufiler entre les arbres à la StarWars quand le sentier devient plus rapide. C’est franchement facile de passer partout avec ce AllRoad quand on a un petit bagage technique, et je me fais bien plaisir.
Bien entendu, l’absence totale de suspension fait ressortir les bonnes vieilles techniques (200mm de débattement dans les bras, 400mm dans les jambes : gros vélo de DH !), mais dans les singles tortueux c’est une validation directe et le plaisir est au rendez-vous.
On retrouve le reste du groupe et on attaque ma première descente sur DFCI, à savoir une piste large, rapide et fuyante. Autant vous dire que cette première est passée en mode « houlà-houlà » : tous les 2 mètres, je me demande si ça va tenir, si la roue avant ne va pas fuir d’un coup, si le reste du vélo va bien vouloir aller là où mon esprit apprécierait qu’il aille, bref : je serre le cul en disant « houlà…houlà ! » mais ça passe ! Sur ce terrain je vais beaucoup moins vite qu’en VTT, mais c’est normal. Je me permets quand même quelques micro sauts sur les ralentisseurs en profitant des pédales auto et histoire de continuer la prise en main du vélo.
Je ne vais pas vous décrire tous les kilomètres du parcours mais pour la faire courte, on a repris la route Cézanne (avec des voitures, dont une hargneuse cette fois-ci : j’aime toujours pas), de la piste avec vue sur la Sainte-Victoire (j’adore) pour arriver sur Puyloubier. J’ai profité du passage devant chez moi pour tester la bête sur ma montée à 35% histoire de tenter de reprendre mon KOM (fail, à 5 secondes près), et après une petite pause à la fontaine on a contourné la montagne par la piste que je prends tout le temps en VTT (en signant par la même occasion mon meilleur temps sans forcer), puis de nouveau un peu de route, bien plus déserte cette fois et donc bien plus plaisante, sur laquelle on peut discuter sans stress avec Serge Barnel de son plus grand trésor tout en admirant le paysage.
A la fin de la matinée mes cuisses commençaient à montrer quelques signes de fatigue, et le pique-nique fut le bienvenu pour tout le monde. La solidarité du groupe a permis aux pauvres dépourvus de sandwiches de manger quand même, et le moment de repos a donné lieu à bon nombre de discussions animées autour du vélo.
L’occasion de constater que Luc Royer de Chilkoot est intarissable.
Le chemin du retour était aussi varié que l’aller avec un savant mélange de pistes « houlà-houlà » sur lesquelles j’ai progressivement réussi à prendre confiance et accélérer et de petites routes tranquilles bien agréables, pour finir au centre-ville devant une bonne bière non sans avoir préalablement acheté quelques calissons Brémond rue d’Italie et parcouru le Cours Mirabeau histoire de faire découvrir ma ville et ses codes à Sylvain. Une super journée de vélo.
Et c’est d’ailleurs un peu ça que je me suis dit tout au long de ces kilomètres de partage, de discussions avec quelques légendes, de plaisir à la montée comme à la descente et de beaux paysages dans une météo parfaite : c’est simplement du vélo. Quel que soit votre niveau, vos objectifs, vos challenges ou votre discipline, vous faites du vélo. Et le Gravel, c’est un petit mélange de tout ça, c’est une machine passe-partout qui permettra au routard de prendre le sentier devant lequel il passe tous les dimanches sans jamais oser le prendre avec son vélo de route, ou au vététiste de faire une plus longue sortie sur des chemins roulants, avec quelques portions de route si nécessaire pour rejoindre d’autres pistes sans forcer. Avec un Gravel, on peut faire du vélotaf tous les jours, partir une semaine en bike packing, aller chercher le pain en baskets ou se balader avec les enfants dans les bois. Bien sûr, ça ferme les portes de mes singles dans les rochers ou des quelques journées en station, mais ça ouvre tout autant de possibilités nouvelles.
Le Gravel, c’est simplement du vélo.
Et le AllRoad de chez Caminade, que je ne peux comparer à d’autres modèles Gravel faute d’expérience, est pour moi un sans-faute. Silencieux, confortable, équipé avec du matériel solide et fiable, il a un look sobre et classe, une géométrie sur mesure, pensée pour cette pratique passe-partout, et vous emmènera sans défaillir sur toutes les routes et tous les sentiers que vous voulez. Un pur bonheur, foi de vététiste !
Parution : 10/04/2019