Le journal des cons finis - Semaine #2

Nos élites nous avaient dit que nous n'en avions que pour 2 semaines... qui se prolongent finalement en 6. Mais quand on sait combien de temps les chinois de Wuhan ont dû patienter avec un confinement militaire, ce journal des cons finis risque d'avoir 12 tomes. N'en déplaise aux Capitalistes qui ont bien compris que le Covid-19 aura le même effet qu'une grève généralisée. En effet, si l'argent est le carburant du Capitalisme, les travailleurs en sont bien le comburant, et les pompiers le savent bien : sans air plus du feu... et CoronaKrach !

En parlant de pompiers, cette semaine j'ai découvert l'eau de Bouleau : l'arbre de la sagesse. Une initiative d'un fournisseur de légumes qui se trouve à 9km de chez moi. Oui, je sais j'ai enfreint les règles. Ces mêmes règles qui, sans distinction, ferment les petits marchés de plein air déjà trop peu fréquentés des villages comme le mien au profit des grandes surfaces où le produit a traversé 2 fois la France en guise d'échauffement... climatique. Mais pendant que nous réfléchissions à nous ravitailler en douce de produits locaux de contrebande, la Région Occitanie a lancé une plateforme de mise en relation des producteurs avec les consommateurs les plus proches ( ou l'inverse ) à l'aide d'une carte interactive. Je vous invite à faire circuler l'information, car pour que le système fonctionne, les producteurs doivent s'identifier.

Brice Epailly

C'est bien en période de crise que l'alternative doit surgir, l'alternative au supermarché par exemple avec la mise en place d'un panier de produits locaux en hyper local. Par hyper local j'entends à une échelle villageoise afin de se déplacer à pieds ou à vélo. Le nouveau cahier des charges de confinement ne nous permet plus d'aller jusqu'à Prades au marché, alors on s'adapte. D'ailleurs pour le lancement de cette alternative, nous nous sommes appuyés sur les forces en présence. En l'occurrence, nous sommes tombés sur le Panier de Fifou mené par Philippe qui souhaitait lancer son activité de livreur de panier de produits locaux en vélo. Hourra ! il ne nous aura fallu que quelques échanges pour le motiver afin de lancer son activité pendant le covid 19. Les premières commandes devraient ouvrir lundi prochain. Si la demande est trop importante alors nous lui viendrons en aide pour livrer la marchandise avec nos vélos et notre athlète : Damien O. en manque d'endorphines. 

Cette prise d'initiative peut vous paraître anecdotique, mais à notre échelle nous avons décidé de réfléchir pour monter une alternative. Je partage cette action dans le journal des cons finis non pas pour nous envoyer des fleurs mais pour encourager toutes les personnes vivantes sur terre à prendre leurs responsabilités. Proposez vos projets, entourez vous, servez-vous du forum de la transition pour mettre en commun nos idées !

Pour revenir à l'humain, depuis mes débuts dans mon aventure Caminadienne, j'échange avec Maxime, un porteur de projets de ferme urbaine et de distribution de repas cohérent sur Nantes, ce dernier prend la parole, je vous invite à lire ce qu’il a à nous dire : 

 

Introduction

Pour me présenter rapidement, après mon diplôme d’ingénieur j’ai voulu retourner à l’essentiel, au naturel. Après une formation en ligne, un certificat de permaculture, me voilà lancé dans l’aventure du maraîchage en zone urbaine, un projet fondamentalement collectif où le respect est au cœur de notre démarche. En parallèle, et toujours entouré, j’ai aussi lancé un service de livraison de repas cohérent. Une cuisine 0 déchet de plats faits maison. Bio, local, livré à vélo, végétal. Voici l'alimentation cohérente, celle que nous défendons. Alors forcément de nos jours, exister c’est partager, nous avons donc choisi de communiquer sur Instagram. Avec la ferme, qui se nomme La Ferme du Contrevent, mais aussi avec Dama, le service de livraison de repas. Cela nous permet de transmettre un message, notre prise de position, toujours guidée par la bienveillance. 

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Sauf qu’en moi ça bouillonne, ça résonne, ça vibre fort et j’ai du mal à me contenir. Je vois le chemin que nous empruntons tous, la science est claire, les experts ont parlé, on va droit dans le mur. J’ai peur. Peur des crises à venir, peur que nous nous réveillons trop tard de cet engourdissement que le confort et la consommation font peser sur nous. L’autre jour, suite à un post de la ferme, nous avons reçu beaucoup de messages d’encouragement et de félicitations, disant que ce que nous faisions était formidable, courageux, etc. Ces réactions étaient du genre, je cite, “heureusement qu’il y a des gens comme vous” ou “voir ce que vous faites me redonne espoir en l’avenir”. On pourrait penser que cela m’aurait fait plaisir, et dans une certaine mesure se sentir considéré est très encourageant pour la suite, mais voilà, aussi paradoxal que cela puisse paraître, à leur lecture, j’ai vrillé complet. Mon cœur s’est assombri, une sourde colère s’est immiscée en moi. 

Ils parlent d’espoir, j’ai envie de les secouer. Je ne crois pas en l’espoir. Il faut tuer l’espoir.

Introduction finie, place au message. 

L’espoir vient du latin speres, qui donna aussi en espagnol “esperar”, attendre. Espérer est une attitude passive rendant inactif le sujet, le mettant dans une position d’attente donc. Lorsque cette position est inaltérable, indépendante de notre volonté, alors il faut l’accepter, s’y résigner. Par contre, quand je rencontre quelqu’un me disant “tu me redonnes espoir en l’avenir”, là ça me met hors de moi car ce que j’entends c’est “Heureusement qu’il y a des gens comme toi qui se bougent le cul pour essayer de changer les choses parce que moi j’ai plutôt choisi d’attendre bien confortable dans ma vie de consommation et d’illusion.”

Réveillez-vous ! Il y a urgence ! Nous n’avons pas le temps d’attendre, pas le luxe d’espérer. Je n’espère pas, j’agis. Je n’attends pas, je vis. Ceux qui espèrent remettent leur sort et celui de toute vie sur terre dans les mains des autres. C’est très triste. C’est même consternant. Parce que les autres sont pourris, guidés par des logiques diamétralement opposées au respect, à l’amour, à la nature, à la vie. A la ferme, à Dama, notre chemin nous le traçons comme nous l’entendons. Nous n’espérons pas que le changement vienne des autres, nous sommes le changement.

Voilà ce que j’aimerais dire à tous ceux à qui nous redonnons espoir. Nous nous sommes mis en mouvement, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons tous nous activer, nous devons arrêter d’attendre, arrêter d’espérer. Inspirer les autres me réchauffe le cœur, me donne de l'énergie, vraiment, mais en aucun cas je ne veux faire la part des autres. Nous faisons la nôtre du mieux que nous pouvons, à vous de faire la votre, car c’est tous ensemble que ce monde changera, et pas simplement parce que deux pélos ont décidé de faire pousser des blettes dans leur potager. 

Tissons la solidarité, densifions ce putain de respect, ouvrons nos cœurs et nos esprits aux autres, à cet inconnu qui nous effraye tant, à tort bien évidemment. Abaissons ces barrières qui nous emprisonnent. Et surtout brûlons l’espoir. De son feu naîtra l’énergie d’agir, de ses cendres le terreau fertile de l’avenir. Libéré de son emprise nous pourrons enfin entrevoir d’autres possibles. Laissons ce poids de l’individualisme et du consumérisme à outrance se dissiper, dégageons avec force la brume de cette société qui se meurt, qui nous tue, et entrons enfin dans l’ère du respect du vivant, de tous les êtres vivants. Ici et maintenant, nous avons encore le choix, mais méfiez-vous car bientôt ce ne sera plus le cas...

A tous les amateurs de nuance qui sont morts en lisant ces lignes, je vous prie de m’excuser. Parfois, pour se faire entendre, pour se faire comprendre, je pense qu’il faut toucher l’extrémité de sa pensée. Sans compromis. Car comme Damasio le dit, il n’y a pas de compromis avec la vie. 

Pour finir, et pour ressusciter nos chers amis les nuanciers, voici mes derniers mots pour aujourd’hui. Je n’agis pas pour le bien, mais pour le mieux, et c’est déjà bien. Donc faisons tous de notre mieux.

Merci Caminade pour cet espace que vous m’avez permis d’investir, et merci à tous ceux qui n’espèrent pas.

Maxime Santiago, porteur de projets Manger Dama et La ferme du contrevent

Parution : 26/03/2020