La Fabrica et ses Fabrik½urs #2

La Fabrica et ses Fabrik½urs #2

A l’heure où je vous parle je suis assis sur un magot de 450k€ : en effet, la société Caminade, dont je détiens 45% des parts, a été évaluée à 1M€.

Brice EPAILLY

J’ai fait le calcul : il me faudrait 19 ans pour gagner 450k€... le prix de mon titre de propriété de Caminade. J'aurais à ce moment-là 68 ans, et malgré les réformes successives, droit à la retraite. La tentation est grande de vendre dès aujourd'hui et de prendre une retraite anticipée. Pourtant, on me demande de racheter les 45% de mon associé dormant dans le but de devenir majoritaire. Ce qui reviendrait à travailler 2 fois plus pendant les 2 décennies suivantes.

Chose cocasse, si je me lève pour ramasser le magot, il disparaît aussitôt. Et l’entreprise ne vaut plus grand chose : les machines, les stocks, moins les dettes bien sûr... et la marque, ou plutôt sa subjective image qui n’est en fait que le reflet des hommes qui forme son bloc*.

Je pourrais imaginer faire peser ce rachat sur la horde* Caminade et m'asseoir sur un magot deux fois plus large. En bon capitaliste, j’ai déjà fait mien l’outil de production de mes salariés, leur confisquant la plus grosse partie de leur pouvoir d'artisan. Cet outil de production finalement payé par d’autres actionnaires qui avaient anticipé notre montée en puissance. On avait d’ailleurs proposé à ces actionnaires de tous démissionner juste avant l’été. Une menace qui a légitimé ma place de traceur* en mettant mon nom en tête du K-bis.

La propriété, c’est le vol 

Mais mettre tout le monde au SMIC et multiplier par 2 mon salaire tout en remboursant les traites de rachat de Caminade, c’est comme demander aux salariés de racheter les parts : ce n’est pas possible !

En effet, nous avons fait le choix de la voie périlleuse de l’équité des salaires, de la socialisation loyale au travail, du partage de vision, de la vérité et du dialogue. Et quoi qu'il arrive, nous devons continuer comme avant. Avant que je sache que j’étais un riche propriétaire. Avant que ne pèse sur moi, l'épée de Damoclès de tout dirigeant minoritaire : se faire débarquer.

Je dois donc tracer* avec les mêmes objectifs qu'avant :

  • la pérennité des emplois,
  • l’autonomie interdépendante des salariés au sein du pack*.

L’argent n’est pas mon moteur, je le savais, mais je me suis aussi aperçu que le côté social des projets avait limé mes griffes d’ours Catalan. Et puis, je me suis trouvé 2 petits contres* à mener :

  • L’émergence du vélo 100% français, avec la création d’une industrie parallèle du cycle née sur les cendres de celle des sous-traitants automobile.
  • Participer à la création d’une Atlantide, ou du moins préparer un terreau fertile à la naissance d’un contre pouvoir des terrestres à un niveau local.

Dans 15 ans, si tout va bien, je serai aussi propriétaire de 50% des murs de la Fabrica… certains appelleront ça un plan retraite, d’autres un beau roman à écrire.

« Vif est celui qui se dresse et fait face. Ne te retourne jamais que pour pisser »

* Alain DAMASIO - La Horde du Contrevent

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Parution : 12/07/2021