Eau'rizon

Eau'rizon

Depuis 2 ans, la sécheresse due à la fois à un manque de pluie et une gestion de l'eau critiquable est le sujet favori des journalistes dès qu'il s'agit de parler du département des Pyrénées Orientales. Nos besoins augmentant et nos ressources diminuant, autant dire qu'on va droit dans le mur... ou pour parler plus politique, que nous faisons face à un déséquilibre préoccupant.


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J'ai trouvé ce beau graphique dans une ressource destinée à un atelier remue-méninges, et rédigé conjointement par Suez et Ethics Group. Belle initiative pour poser les bases du projet, mais grosse inquiétude quant aux données brutes portant sur les usages : 83% des prélèvements seraient dus à l'agriculture. Le tourisme qui double la population en période estivale n'a finalement que peu d'impact malgré tout, puisque l'eau potable ne dépasse pas 16%.

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A regarder ce graphique, on pourrait conclure que la faute incombe aux agriculteurs, et pour qu'on puisse arroser nos potagers et remplir nos piscines, il suffirait presque qu'il y en ait moins ! Pourtant nous n'avons que 2708 exploitants agricoles : seulement 3% des emplois du département qui ne pèsent pas lourd face aux 60 000 emplois ( 37% ) directs et indirects du tourisme pour 60% du PIB.

Doit-on sacrifier nos agriculteurs au profit du tourisme de masse ?

C'est ce qu'on pourrait penser quand on assiste à la course à la bétonisation ou à des projets incompatibles avec notre manque d'eau :

  • la création d'un Golf avec 600 villas limitrophes à Villeneuve la Raho
  • le téléski nautique dans un ancien Mas agricole près de Perpignan qui ne possède pas de plan d'eau
  • des canons à neige qui nous privent d'une partie de l'eau en amont

Pour en revenir aux agriculteurs, je ne me fais pas de soucis pour les gros propriétaires ( > 50Ha ), qui après avoir foré directement dans le pliocène pour arroser avec une eau vieille de 7000 ans, réussiront à négocier leur bassine de stockage à ciel ouvert. Ils ont déjà mis la main sur les canaux pour capter les dernières gouttes d'eau de la Têt. Cette belle rivière qui traverse de part en part notre département n'arrive même plus à charger la nappe de surface, pire, après la creusement de la RN116 dans son lit, elle voit remonter cette dite nappe de surface et le risque de pollution de nos eaux potables.

L'agro-industrie travaille main dans la main avec ce tourisme de masse qui exploite une nombreuse main d’œuvre saisonnière au profit de quelques uns.

Je m'inquiète pour les exploitants entre 5 et 50 Ha qui devront louer leur terre aux panneaux photovoltaïque pour s'arrondir les fins de mois : l'agrivoltaïque avec très peu d'agri et beaucoup de voltaïque. Sachant que la location durant 30 ans d'un emplacement d'éolienne rapporte 15k€ par an, on pourra comprendre le choix des 40% d'agriculteurs qui ont plus de 55 ans, et donc futurs retraités.

Le département risque donc de se spécialiser dans la production d'énergie.

Quand aux petits paysans, ils vont devoir réfléchir avant de réagir, et certains ont déjà bien commencé:

  • Doit-on arroser les vignes et continuer à garder un sol nu ?
  • Peut-on travailler sous couvert végétal et planter des arbres au milieu d'un potager ?
  • Est-ce que la vision de nos grandes coopératives à la botte des hyper-marchés est la bonne ?
  • Est-il préférable de nourrir le sol ou de maintenir la plante sous perfusion chimique ?
  • D'où vient la pluie ?

Cette dernière question à l'air triviale, car on sait tous qu'elle vient de l'évaporation de l'eau de mer... mais, attention, pas que : c'est bien l'évapotranspiration des végétaux qui surcharge les nuages pour créer la pluie.

Pas de végétaux, pas de pluie !

 

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Un sol vivant stocke jusqu'à 10% de son poids en eau : cultivons l'eau !

  1. racheter du foncier pour le mettre à disposition des paysans
  2. favoriser les flux tirés ( épiceries paysannes, marchés de producteurs, cantines scolaires, etc... ) 
  3. planter des jardins forets pour recréer l'humus des sols et commencer à stocker l'eau

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L'agriculture paysanne, non contente de faire pleuvoir, va re-créer des emplois.

En diversifiant la production et en réduisant notre consommation de viande, 77 % de nos aliments pourraient être fournis localement.

On sait qu'un paysan est capable de s'occuper et de vivre avec moins d'1 Ha de cultures raisonnées, c'est donc 5000 emplois heureux et permanents qui seront créés si nous achetons les fruits de leur labeur.

 

Parution : 04/04/2024