Born to Ride : Vézelay-Barcelone 980km
Dans un précédent article je vous détaillais la préparation du matériel (et un peu aussi celle du bonhomme) afin de participer au raid « Born To Ride » organisé par Chilkoot La Compagnie des Pionniers, qui consiste en un périple à vélo de Vézelay jusqu’à Barcelone en 4 jours maximum, en autonomie complète et avec uniquement 4 points de contrôle à respecter (Clermont-Ferrand, Le Puy en Velay, Montpellier, Perpignan), le choix de la route entre les CP étant libre.
C’est la tout l’attrait de ce type de formule, chacun gère son aventure comme il veut, roule où il veut, s’arrête dormir et manger quand il le souhaite. Mais vous allez voir que c’est loin d’être une aventure solitaire et bien au contraire elle a été parsemée de belles rencontres.
Après la préparation vient le temps de l’action, mais faut t’il déjà se rendre sur le lieu du départ en cette période de contestation sociale et de grèves de la SNCF ! Tous les trains Paris / Avallon (proche Vézelay) ayant été annulés en ce vendredi 10 Juin je me retrouve avec une dizaine d’autres participants parisiens entassés dans un des seuls TER de la journée pour Auxerre. C’est donc 50km de liaison en vélo qui nous attendent à la sortie de la gare pour rejoindre le départ sur la colline éternelle.
Nous roulons avec ravissement le long de L’Yonne sur la piste aménagée dans une ambiance gravel puis enchaînons la petite route qui nous fait grimper à Vézelay. C’est l’occasion de faire connaissance avec les autres participants. Le groupe est très hétérogène, de 25 à plus de 55 ans, tous les looks se côtoient et un peu aussi toutes les machines. On voit les habitués du voyage à vélo et les nouveaux comme moi.
Cette impression va se confirmer une fois arrivé au contrôle d’avant course où est prévu le regroupement des 40 concurrents. Certains viennent pour se tester avant la Transcontinentale Race (TCR) de fin Juillet mais beaucoup viennent simplement vivre une belle aventure à vélo.
Après le diner du soir et le briefing, la pluie se met à tomber sur la ligne de départ mais à Minuit, Luc l’organisateur libère enfin la troupe.
Je pars avec un de nos clients Dominique et son Gravel Espresso (il a prévu d’aller jusqu’à Montpellier afin d’être de retour sur Paris Lundi matin pour le travail) et Benjamin mon partenaire d’entrainement sur Paris qui roule sur un vélo de grande série fait en Asie dont je terrais le nom ;)
La lampe Hope R4 fait merveille, même en mode le plus faible je vois comme en plein jour. La casquette sous le casque protège bien de la pluie et le rythme s’avère soutenu entre les groupes qui se forment. On ne dirait pas que nous partons pour 3-4 jours de ride !
Notre trace est facile à suivre au GPS avec mon TwoNav Anima+ et nous roulons sans nous arrêter pour essayer d’échapper à la pluie et averses de grêles qui s’abattent sur nous. Avec Dominique et Benjamin nous atteignons ainsi St Pourçain vers les 7h du matin, après 160km non stop, pour la pause café croissants.
Rouler la nuit est assez fascinant, le silence, la perte de la perception du relief et la sensation d’avancer vite sont assez grisants. Il faut simplement vaincre le sommeil et ne pas manquer de finir dans le fossé comme Benjamin !
La pluie ne nous lâchera qu’après Moulin sur les petits routes menant à Clermont-Ferrand. Nous prenons le temps d’apprécier le paysage et les routes sans voiture car la rentrée dans Clermont pour rejoindre la Basilique (CP1) va être une vraie punition ! Que de voitures, que de routes peu ou pas adaptées aux vélos, que de monde ! La sortie de l’agglomération ne sera pas mieux pour rejoindre la route du Puy en Vellay.
Commence alors de petites ascensions et belles descentes à travers le Massif Central pour rejoindre la vallée de La Borne.
C’est à ce moment que la fatigue tombe sur Benjamin qui ne peut plus avancer et devra s’arrêter dormir peut après à 40km avant le Puy. Nous ne le reverrons plus, il abandonnera le lendemain au Puy sur douleur au genou.
Avec Dominique nous ne baissons pas de rythme et finissons par arriver à la Balistique (CP2) du Puy à 19h30 avec 370km de route. Nous posons les fesses dans un hôtel Ibis budget pour la nuit et pour récupérer un peu après 20h sur le vélo et presque 36h sans dormir depuis le vendredi matin. C’est une 1ère pour moi.
Avec une bonne alimentation régulière en roulant, à base de barres Mulebar, et en limitant stratégiquement les poses aux repas (en prenant le temps à ce moment la), on arrive à garder une moyenne comprise entre 20km à 25km heure pauses comprises.
Le plus important est de décider vite quand et où s’arrêter et ne pas multiplier les pauses à répétition, qui cassent la moyenne et surtout le physique, car plus la journée s’étire plus la remise en route sur le vélo est longue.
C’est la que j’apprécie la géométrie du Gravel, moins radicale qu’un vélo de route avec sa hauteur de douille augmentée et son empattement un peu plus long. L’acier du cadre participe également au confort en filtrant les imperfections de la route. Le freinage à disque est sécurisant, puissant et endurant et ne demandant aucun effort sur les leviers.
Dimanche matin 7h nous nous attaquons à 29km de montée vers Langogne par la Nationale (tranquille à cette heure) dans des pentes raides et interminables pour nos petits vélos. Quelle est donc notre surprise de voir Luc et la voiture Chilkoot sur le bord pour nous encourager. Luc le ferra tout le long du périple et apportera un soutient moral sans faille à beaucoup de participants, un grand merci !
Cette deuxième journée sera surement la plus belle au niveau des paysages à travers les Cévennes. La D906 serpente sur les crêtes avant de plonger vers Alès et offre son lot de descentes et faux plats montants jubilatoires.
Dominique me quitte un peu avant Alès et je poursuis seul jusqu’à la Balistique de Montpelier (CP3). La encore les petites routes bordant les vignes sont un régal. Au CP3 nous opérons un regroupement pour former un petit groupe de 5 bien décidé à se battre contre la Tramontane et progresser au moins jusqu’à Béziers. Nous y trouverons une petite auberge accueillante sur le coup de 23H avec un plat de pattes et quelques heures de sommeil à la clé.
310km au compteur et je commence à avoir mal aux fesses ! N’étant pas habitué des longues distances je n’ai pas eu le temps de trouver un cuissard adapté à autant d’heures de selle (à régler avant le prochain périple).
Ces deux premiers jours m’ont permis de trouver mon rythme « endurance » qui permet de rouler longtemps en s’économisant. L’idée est de garder une fréquence de pédalage assez rapide sans jamais mettre trop de braquet et continuer à pédaler le plus longtemps possible même en descentes ou attaques de bosses pour garder sa vitesse.
C’est la que le mono-plateau est un avantage par rapport à un double. Avec une transmission 11 vitesses SRAM Force1 comme la mienne dotée d’un plateau de 38 et cassette 11-32 vous avez assez de braquet pour pédaler en faut plat descendant jusqu’à au moins 45km/h, ensuite il faut mieux se décontracter sur le vélo et se soulager les points d’appui tout en restant en position aérodynamique. Le début de cassette offre un très bon étagement (11, 12, 13, 14, 15) pour garder la même cadence de pédalage et ensuite avec des pignons jusqu’à 32 vous passez les ascensions sur route (même longues) sans problème. En vrai gravel la cassette 11-36 sera plus adaptée aux montées sur terrain dégradé et à forts pourcentages.
Avec un double plateau vous vous retrouvez à un moment donné à devoir basculer du petit vers le grand ou inversement, votre fréquence de pédalage s’en trouve altérée et du coup votre vitesse. Le changement de plateau vous casse le rythme à coup sur, j’ai pu le constater en roulant avec les autres, à chaque changement de plateau de leur part je leur prenais systématiquement plusieurs longueurs sans effort.
Lundi matin 7h (c’est un rythme) je pars tout seul, les autres ont décidé de tirer au plus court vers Perpignan puis de longer la côte Vermeilles pour renter en Espagne par Port-Bou. Pour ma part (connaissant déjà cette route) je préfère prendre dès la sortie de Béziers la direction du bord de mer par le massif de la Clape puis suivre la côte jusqu’avant Perpignan pour profiter des petites pistes gravel passant entre les étangs aux environs de Gruissan et Port-la Nouvelle.
Je pourrais alors apprécier la polyvalence de mon gravel et de mon choix de pneus slicks en 700x28 bons à tout faire (Hutchinson Sector28). Un montage en tubeless gonflé à 5 bars renforce le confort tout en gardant un bon roulement sur bitume. C’est la monte idéale en endurance.
Le ciel s’assombrissant et la pluie arrivant je quitte la mer un peu après Port-la Nouvelle pour tirer au plus court vers Perpignan sur la Départementale Fitou /Salses / Rivesaltes.
Je subis alors ma deuxième punition du voyage ! Nos chers amis de la DDE devraient recalcifier la Dept. en Nationale et surtout prévoir des aménagements pour les vélos. Je ne me suis jamais senti en danger car je roulais sur les bas côtés mais c’est un ballet continuel de voitures et de camions qui vous use les nerfs. J’arrive à la Basilique de Perpignan (CP4) vers 13h complètement exténué.
Perpignan n’est vraiment pas une ville accessible en vélo et tout reste à faire dans ce domaine en terme d’aménagement du territoire.
Je décide d’attendre devant une bonne assiette Alain (du Magazine vélo 200) qui pointe environ 1h derrière moi. Nous repartirons ensemble de Perpignan en milieu d’après-midi. Notre objectif est simple, passer les Pyrénées via le Perthus pour dormir à minima à Gérone voir pousser en diagonale vers la côte, dormir à la belle étoile en bord de mer puis la longer jusqu’à Barcelone.
Les orages dans la montagne nous ferons finalement passer à la nuit à Gérone dans un hôtel Ibis budget (encore une habitude).
Nous nous réconforterons autour d'une bonne bière espagnole.
210km au compteur.
Départ mardi matin à 6h30 (on progresse dans le réveil) pour cette fois atteindre la Nationale du bord de mer après avoir serpenté sur une magnifique route alternant plaines et massifs boisés. La N111 espagnole n’est pas particulièrement marrante à rouler et le paysage marqué par l’emprunte du tourisme balnéaire.
Vent de face pendant 40km, Alain est une machine à rouler ! En appui sur ses prolongateurs il imprime le rythme et je vois la file des cyclistes amateurs espagnols s’allonger derrière moi cherchant l’abris. Alain me semble bien prêt pour son défi de la TCR à condition de tenir ce rythme pendant 14 jours.
Un petit arrêt sandwich à la tortilla / café lui redonne un coup de boost pour finir la route.
Quelques arrêts photos plus tard nous entrons dans Barcelone par la piste de cyclable le long de la plage et piquons sur la Sagrada Familial point d’arrivé symbolique de notre voyage et déjà noire de touristes en cette fin de matinée.
85H et 985km après notre départ de Vézelay, Barcelone nous voici !
Luc et la voiture Chilkoot ont annexé un trottoir non loin de la Sagrada et nous pointe comme « finishers » en nous offrant une bière.
Nous retrouvons d’autres participants et les félicitons également. Je suis un peu déboussolé, comme subissant une sorte de « jetlag » après ces 3 jours et 1/2 intenses où les paysages ont défilé devant mes roues depuis les vertes montages de Bourgogne jusqu’au bleu de la Méditerranée espagnole.
Cette aventure n'a donné gout aux périples en autonomie légère (bikepacking) par la sensation de liberté qu'apporte cette manière de voyager. Elle permet de rouler en écoutant ses sensations, en admirant le paysage et d'oublier toutes contraintes de logistique extérieure avec ses obligations afférentes.
Pour le prochain trip je pense prévoir un petit kit de couchage (simplement un tapis de sol, un duvet et une petite bâche) afin de m'affranchir de toute nécessité de trouver un hôtel ou gite pour dormir. Attention je ne dis pas que je passerais tous les soirs à la belle étoile mais je veux pouvoir rouler de nuit si le coeur et la météo m'en disent et me poser pour dormir où je le souhaite.
Les points importants à mon sens pour profiter des joies du bikepacking sont :
- un vélo confortable, avec du rendement et capable de rouler aussi bien sur routes que sur pistes pour une totale liberté ;
- un chargement léger, le vélo doit rester sous les 14kg max ;
- les vêtements et équipements de qualité (confortables, qui sèchent vite, performants). J'ai testé short et veste de chez Pedal'ed que je recommande, fait en Italie et de superbe qualité ;
- pensez toujours visibilité vis à vis des autres usagés de la route dans vos choix de couleurs, privilégiez les contrastes des couleurs de vêtements et un éclairage performant (je vais tester la roue avant dynamo).
- Et enfin le plus important, préparez avec soin votre trace GPS avec de belles petites routes et piste, prévoyez plusieurs itinéraires et variantes afin de pouvoir vous adapter à la réalité du terrain, à la météo ou votre état de forme.
Cerise sur le gâteau, mon "voyage" a été parsemé de belles rencontres, furtives ou prolongées et de partage de kilomètres avec pleins de gens différents que j'ai du mal à remettre dans l'ordre : François "Eddy" Paoletti qui a fait revivre toutes les classiques courues par Eddy Merckx en 1973, Jean-Acier 19 ans et déjà un beau coup de pédale et de plume, Alain de 200 le magazine, Miss Paris/Brest aka Élisabeth, Stéphane participant de la futur TCR, Thierry St Léger "Mr Pignon Fixe", Jean-Pierre, Thibault, Matthieu et bien d'autres encore.
Et bien sur Dominique, client Caminade et ami qui a fait un bout de chemin avec moi, et Benjamin qui a du abandonné mais va remettre le couvert très vite ;)
Et enfin un très grand merci à Luc Royer de Chilkoot pour cette idée de périple. Luc partage des valeurs du vélo qui je pense sont communes à un grand nombre de cyclistes, dépassement de soi, partage, entre-aide, aventure avec ce piment du risque et de l'auto-responsabilisation, gout du défi.
Il a plein d'idées dans ses cartons avec de beaux projets à venir !
En savoir plus :
>> La trace GPS Chilkoot et détail de l'intinéraire
>> Le site de Chilkoot et les évènements à venir
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Parution : 26/06/2016