Aloïs le réparateur

Aloïs le réparateur

Du plus loin que je me souvienne, le vélo a toujours été une passion, l’école nettement moins, même si, incité par mes proches, j’ai longtemps pensé que mon bonheur à terme, passerait par des études. J’ai donc passé un bac littéraire et comme j’étais bon en langues, je me suis dirigé vers le commerce international.

Première erreur, et pas la dernière: je n’étais pas fait pour apprendre par coeur des incoterms, ni importer des chinoiseries en France ou encore exporter des patates en Arabie Saoudite (spéciale dédicace à une entreprise normande). En recherche d’un métier plus humain, me voilà parti dans des études d’infirmier ponctuées de quelques boulots d’aide soignant… Avec déjà une grosse désillusion vis-à-vis des moyens accordés à la santé et des difficultés à trouver du sens à mon rôle lorsque les cadres sup’ voient les patients comme des chiffres.

Bref, j’ai vite compris (après 24 ans quand même) que le bonheur passerait par un métier qui me passionne, où les valeurs ne seraient pas que des mots imprimés dans le livret d’accueil de la boîte.

C’est là que j’en reviens au vélo donc, que je pratique en loisir depuis que je suis tout gamin, plutôt tourné vers le tout-terrain, entre la campagne normande où je suis né et les sentiers d’Olette où je passais mes vacances.

Après avoir délaissé la petite reine pendant mes trois ans en blouse blanche, voilà que dans un salon de la chambre des métiers de Rouen, je croise un grand type roux derrière un vélo cargo rouge (Tim, si tu me lis…). J’allais découvrir Guidoline, un atelier d'auto-réparation génial. 

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En huit mois de service civique, j’allais y rencontrer ma copine, de bons potes, quelques pétés du casque en pignon fixe et boire des bières après le Ride Du Mercredi. C’est aussi là bas que j’ai commencé à délaisser le VTT pour la route. D’abord avec un vieux Raleigh acier équipé en Campa que j’avais désossé, repeint avec une bombe de Plastidip vert irisé (un gros truc de kéké).

Et puis un jour, Claire avec qui j’ai commencé à sortir s’était mis dans la tête de faire Rouen-Le Havre avec une amie. Je travaillais la semaine mais je me suis dit que les rejoindre le week-end sur la route pouvait être une bonne idée, il me fallait trouver un vélo adapté.

Lors d’une collecte de vélos en déchetterie je suis tombé sur un vieux Rockrider 520 Rouge brique de 1997. C’était LA randonneuse ultime du nouveau cyclotouriste (avec un petit “c” et un grand “T” comme dirait un copain), qui n’avait pas l’oseille pour un Surly. Je retapais la bête et c’était parti pour le week-end: c’était le déclic qu’il me fallait.

Première remise en question: je recommençais à pédaler, j’arrêtais la clope et je m’inscrivais dans une formation pour me perfectionner à la mécanique cycle. C’est alors qu’une enseigne de produits sportifs que j’avais contactée pour une alternance me proposait un CDI.

Et j’ai accepté… Pas facile parce qu’en fait de bricoler les vélos, je me retrouvais beaucoup à faire du SAV de trampolines et de colliers de dressage pour chiens (entre autres), et entre deux, 120 bornes de voiture ou de moto par jour pour un salaire anorexique.

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Deuxième remise en question : Outre l’apprentissage de la relation client et quelques chouettes rencontres, je voyais aussi les limites d’un système dont j’étais l’un des maillons. Des tonnes de produits venus d’Asie arrivant sous plastique étaient tous les jours déballées et vendues à bas prix à des clients éduqués au “tout de suite” et dont l’exigence déterminait le montant de nos primes. 

Dommage quand l’un se levait du pied gauche.

Et la rencontre avec Caminade?

Cela faisait des années que j’entendais parler de cette entreprise d’Ille-sur-Têt, d’abord dérouté par le cintrage de leurs tubes et étonné qu’on vende encore des vélos en acier au 21ième siècle. Voilà la vision d’un vététiste ado, qui roulait sur une “beer can” de chez Lapierre, faite en Chine et badgée Made in France.

Mais des années plus tard, pendant mon boulot chez l’enseigne bleue, je me suis pris à rêver de beaux vélos artisanaux, et aussi d’une entreprise respectueuse de ses salariés. Une entreprise où mon travail ne serait pas valorisé qu’à partir des fameuses cinq étoiles qu’un client aurait daigné me laisser lors d’une enquête de satisfaction.

“Si les planètes s’alignent.”

C’était l’expression quasi prophétique de Geo quand je suis passé visiter l’atelier Caminade il y a bientôt un an, en lui parlant d’un projet de réparation de vieux vélos. Entre temps j’ai démissionné de mon poste de technicien en Normandie pour me former, 800 kilomètres plus au Sud, à l’Isle-Jourdain. Ma randonneuse y a gagné ses dernières modifications, et j’y ai rencontré de nouveaux amis.

Puis le CQP en poche, j’ai posé mes valises dans les P.O avec Claire, espérant y créer un mode de vie plus épanouissant qu’à Rouen et vivre de ma passion.

En parlant de passion, mettre les mains dans le cambouis c’est bien, mais rouler c’est mieux, et à ce propos, je me suis mis au défi de participer à une sortie “Open The Road” de Caminade. Seulement voilà, je n’ai pas de gravel performant et j’avais le choix entre ma randonneuse de tour-du-mondiste ou mon deuxième vélo du moment, un Sunn Xircuit de 1997 modernisé à ma sauce. C’est donc le Sunn qui serait l’objet de mon choix: j’avais deux semaines devant moi et la certitude que j’allais en baver: roues de 26”, un peu plus de 12kg, pneus à chambres et quelques périph’ à adapter.

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Qu’à cela ne tienne, je commandais une tige de selle et une potence à ma taille, deux pneus de XC légers et deux chambres à air latex (le tubeless du pauvre). Me voilà donc le jour J avec mon bout de ferraille au milieu d’une quarantaine de cyclistes affutés, sur des machines en carbone et en alu pour la plupart, plus quelques Caminade en titane.

Et bien vous me croirez si vous voulez mais non seulement ça a marché mais je me suis carrément régalé!

Une super discussion avec un gironnais, scié qu’on puisse rouler comme ça avec un vélo pareil et à ses dires “fan de la philosophie du vélo des français”, comprenez aller tirer la bourre avec les copains mais aussi profiter du paysage, faire des photos et boire des coups dans la même sortie.

Des moments sympa aussi avec d’autres, dont Erwan qui tartinait sévère malgré ses canti qui freinent quand ils ont le temps et qui a subi en premier mes blagues pourries.

En étant dans le rouge un bon moment dans la deuxième partie, je ne suis pas arrivé dernier et j’ai pu profiter d’une SpeakEasy bien fraîche à l’arrivée...et de la fierté d’avoir réussi mon défi. Banco, avec mon petit Sunn on avait prouvé qu’un 26” en acier pouvait encore rouler!

Je vous épargne le deuxième open the road où j'ai participé et où après la pause déjeuner (deux verre et un bon plat d'arroz negro) je n'avais plus rien dans les pattes...

Et quelques semaines après, j’ai eu un appel de Geoffrey, me parlant d’un projet un peu flou et un peu fou à la Fabrica, à Ille-sur-Têt, me proposant d’y participer.

Je ne sais pas ce qui avait convaincu l’équipe: mes vannes, mon vélo ou les deux, mais il se passait quelque chose.

Puis il y a eu le confinement.

Pendant cette période troublante, les corps étaient prisonniers mais les esprits voyageurs, et la réflexion a muri. Suffisamment pour qu’à l’annonce du “coup de pouce vélo”, tout s’enclenche, un coup de fil m’a sorti de ma torpeur et du brouillard olettois, Britxo avait déjà commandé des consommables, et deux jours après j’avais déjà des vélos à retaper.

Merde alors, il semblait que les planètes avaient fini par s’aligner! Ils n’avaient jamais dû voir autant de vieux biclous rue de la tramontane, ça démarrait fort.

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Vous l’aurez compris, comme annoncé dans l’article du 11 mai, l’activité de réparation est lancée et se poursuivra à la Fabrica cet automne. Le projet donnera tout son sens au mot “cycle” avec un pole fabrication, un pole réparation et dans quelques temps un pole recyclage de vélos.

Ça tombe bien parce que les vieilles bécanes c’est mon truc, et qu’il y en a plein les garages.

Que ce soient de vraies beautés de collection dont les proprios ne connaissent pas la valeur, comme des vélos moins reluisants qui, réparés ou adaptés auraient de beaux jours devant eux, il y a de quoi faire...

D’ici là, n’hésitez pas à me demander un rendez-vous chez Caminade pour faire entretenir ou réparer votre monture, voire réfléchir à un projet personnalisé.

Texte : Aloïs QUEINNEC

Photos : Matthieu Noiret

 

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Parution : 17/06/2020