24h chrono au service du vélo

Photos : Geoffrey BUISAN - Texte : Sylvain RENOUF

On peut en faire des choses en 24h, même si tout ne se passe pas toujours comme prévu. A la fin des deux tours de cadran le bilan est plus que positif et les perspectives réelles, de voir le vélo prendre une place grandissante dans notre département des Pyrénées Orientales.

Petit “re-montage” dans le temps

Depuis plusieurs mois, nous réfléchissons avec le Parc Naturel Régional des Pyrénées catalanes à des actions concrètes afin de valoriser la pratique du vélo en tant que vecteur d’attractivité touristique pour notre territoire. La région regorge de petites routes, de chemins ou de sentiers qui en font un véritable paradis du vélo sous toutes ses formes (VTT, route ou gravel), mais il faut donner les clés aux visiteurs pour en profiter. Notre rêve secret en tant que fabricant de vélos serait de voir des petits vélos partout sur le territoire. Le PNR nous a demandé d’intervenir cette semaine à une table ronde organisée dans le cadre du projet européen Green Pyrénées Slow Tourisme avec pour thème “Le vélo, quel atout touristique pour les territoires ?” Nous ne pouvions qu’accepter, surtout avec la récente création de La Fondation Caminade qui a pour objet de catalyser toutes les bonnes énergies au service de la pratique du vélo, à commencer par le nettoyage des chemins autour d’Ille sur Têt.

Restons cohérent avec nous même

On se réveille un peu tard et on réalise que le fameux séminaire a lieu à l’autre bout du département, la-haut dans la montagne du côté de Font Romeu, à la centrale solaire photovoltaïque Thémis, soit à 75km et 2 000m D+ de l’atelier !
Geoffrey me regarde : nous sommes des acteurs de la promotion des mobilités durables et d’un mode de vie respectueux de l’environnement, alors hors de question de prendre la voiture pour monter la-haut !  On va y aller par le train et on finira à vélo ! Ok mon lapin, emballé c'est pesé.

Nous décidons de partir la veille pour nous donner toutes les chances d’être à 9h le lendemain au séminaire. On n’est pas des rapides alors autant assurer le coup. On dormira chez la maman de Geoffrey qui a une petite maison à Odeillo près de Thémis. 18H, les vélos gravel sont en mode bikepacking avec notre petit baluchon et nous prenons la direction de la gare d’Ille sur Têt pour attraper un TER que nous quitterons à Villefranche de Conflent pour sauter dans le Train Jaune, descendre à Font Romeu puis pédaler jusqu’à Thémis : simple, facile et bel exemple d’intermodalité.

Sauf que le TER de la Vallée de la Têt ne fonctionne plus depuis 2 ans, la SNCF ne semblant pas décidée à le remettre en service après le tragique accident de car de Millas. Nous pédalons donc jusqu’à Villefranche sur l’unique route directe, la RN116 où les vélos sont les grands oubliés. Heureusement à mi-chemin nous prenons une petite route de traverse qui certes nous rallonge mais nous extrait du trafic automobile.

Arrivés à la gare du Train Jaune … pas de Train Jaune ! Pas de chance, il est fermé pour travaux de réfection des voies. On ne se dégonfle pas, on va monter en vélo et la fameuse grimpette du Pallat, on va la plier au carré.
On commence par reprendre des forces au bistrot de pays de la citadelle de Villefranche car en ce début de nuit aucune chance de trouver un rad ouvert plus haut sur la route.
Le patron est un ancien pompier et la déco vaut le détour, tout comme l’assiette du pays qu’il nous sert. On est rassuré, on ne manquera pas de carburant.

Roule avec la nuit, elle est ton amie.

C’est le conseil que nous vous donnons pour emprunter avec le maximum de sécurité les axes routiers très fréquentés en journée. De nuit, la RN116 devient presque plaisante. Avec nos éclairages nous sommes bien visibles des rares voitures qui nous dépassent précautionneusement. On ne se rend pas trop compte de la pente qui s’accentue, la nuit étoilée s’offre à nos nous et la faune sauvage allume ses yeux brillants sur les bas côtés.
Les pancartes défilent et le froid se fait de plus en plus vif. La température passe sous les 0° à l’approche de Mont-Louis. Moi qui déteste me les geler je pense en souriant à mon ami Alain Puiseux, grand stakhanoviste du froid !

Quand tu crois que c’est fini

23h sonnent, nous arrivons chez Geoffrey, mes pieds sont deux glaçons bons à régaler un Pastis mais je me vois déjà sous la couette. Et bien non ! La clé n’actionne pas la serrure, rien ne s’ouvre. Les petits jeunes à qui Geoffrey loue la maison sont partis rider sur la coupe du monde de VTT enduro en Tasmanie en laissant la clé à l’intérieur sur la serrure...Décalage horaire aidant Geoffrey arrive à joindre les lascards par téléphone. Pas d’autre clé planquée à l’entrée, nous sommes marrons comme dans un bon film d’Audiard.

• Plan A : on s’assoie et on pleure en attendant de mourir de froid ;
• Plan B : on défonce la porte (toujours faisable en étant bien énervé) ;
• Plan C : on roule jusqu’au village en dessous et on tente de squatter le gîte d’un couple d’amis de Geoffrey. Bingo il est libre.

C’est la bonne adresse à retenir pour une halte près de Font Romeu, le petit nid douillet bike friendly qui vous permettra de recharger les batteries.

Thémis et le nucléaire où comment Goliath a terrassé David

Thémis était la première centrale solaire photovoltaïque, construite en 1981 pour fabriquer de l’électricité à base de l’énergie du soleil en concentrant les rayons du soleil à l’aide de miroirs (héliostats) vers le sommet de la tour haute de 105m où se trouvait la centrale de transformation. Le système fonctionne mais le coût trop élevé à l’époque face au pétrole et à l’énergie nucléaire, font que la centrale est arrêtée en 1986.
Aujourd’hui le site est devenu un centre de recherche et accueille des entreprises étrangères qui souhaitent développer cette forme de production d’énergie.
Nous avons eu la chance de pouvoir monter dans la tour et découvrir toutes les installations.
Cette question de l’utilisation des énergies renouvelables nous touche particulièrement, nous qui fabriquons des vélos faits pour durer et prônons une consommation raisonnée et locale. Nous rêvons déjà d’une mini-centrale solaire sur le toit de l’atelier.

Des énergies tournées vers le vélo

Revenons au but premier de notre périple à vélo et cette fameuse réunion sur comment développer le vélo en tant qu’atout touristique pour le territoire.
Comment rendre attractif les Pyrénées Orientales qui souffrent d’un déficit d’image ? Comment construire un environnement propice à vous rendre heureux quand vous viendrez rouler chez nous ?

Le but de notre intervention était de présenter notre stratégie d’entreprise en lien direct avec le tourisme. Je m’explique, notre cœur de métier est la fabrication de vélo, mais nous avons conscience du monde global dans lequel nous évoluons. C’est pourquoi autour de notre activité principale nous avons présenté des activités transversales à but non lucratif afin de doper notre cœur de métier. Nous avons invité toutes les parties prenantes à rentrer dans la danse de la transversalité, le message a été bien accueilli. Nous partageons ces projets transversaux avec d’autres professionnels (hébergeurs, loueurs, guides, restaurateurs, etc)  qui souhaiteraient eux-aussi doper leur activité principale. Alors notre message était le suivant : Soyons intelligent, travaillons ensemble sur ces projets à but non lucratif afin de rendre notre territoire plus attractif.
A l’issue de la journée je pense que nous avons réussi à fédérer les différents acteurs institutionnels comme privés afin d'agir ensemble.

Les premières briques commencent à être posées avec nos idées d’itinéraires autour d’Ille sur Têt en Gravel et le nettoyage de vieux chemins avec la Fondation Caminade. Et pour vous mettre l’eau à la bouche, quelques aperçus de notre route du retour, de la montagne à la plaine en descendant par les Garrotxes et ses paysages majestueux.